L’eternità a Lourmarin
Albert Camus

Non esiste più né linea diretta né strada illuminata che mi leghino a colui che mi ha appena lasciato. Contro che cosa va a stordirsi il mio affetto? Cerchio dopo cerchio, s’egli s’avvicina è per subito allontanarsi. Talvolta il suo viso viene ad appoggiarsi al mio: e suscita soltanto un gelido lampo. Non esiste più da nessuna parte la giornata che prolungava la felicità tra lui e me. Ogni parcella – quasi in eccesso – della sua presenza si è all’improvviso dispersa. Abitudine della mia vigilanza… Tuttavia quest’essere venuto meno perdura in un qualcosa di rigido, di deserto, d’essenziale in me, dove i millenni vissuti insieme formano soltanto lo spessore d’una palpebra chiusa.
Ho smesso di parlare con colui che amo – eppure non è il silenzio. Che cos’è allora? Lo so, o credo di saperlo. Ma soltanto quando il passato, che ha un significato, s’apre per lasciarlo passare. Eccolo alla mia altezza, poi lontano, davanti.
Nell’ora nuovamente raccoltasi – allorché interrogo tutto il peso dell’enigma – all’improvviso comincia il dolore, quello del compagno per il compagno, che l’arciere, stavolta, non sa trapassare.

L’éternité à Lourmarin
Albert Camus

Il n’y a plus de ligne droite ni de route éclairée avec un être qui nous a quittés. Où s’étourdit notre affection? Cerne après cerne, s’il approche c’est pour aussitôt s’enfouir. Son visage parfois vient s’appliquer contre le nôtre, ne produisant qu’un éclair glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n’est nulle part. Toutes les parties — presque excessives — d’une présence se sont d’un coup disloquées. Routine de notre vigilance…
Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d’essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l’épaisseur d’une paupière tirée.
Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. Qu’en est-il alors? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s’ouvre pour lui livrer passage. Le voici à notre hauteur, puis loin, devant.
À l’heure de nouveau contenue où nous questionnons tout le poids d’énigme, soudain commence la douleur, celle de compagnon à compagnon, que l’archer, cette fois, ne transperce pas.

R. Char, La parole en archipel, Gallimard 1962.